Le packaging Tiptoque pensé pour les repas gastronomiques © Michelin

On en compterait quelque 1 500 en France. Les dark kitchen ont le vent en poupe, grâce à un marché de la livraison de repas à domicile qui n’en finit pas de grimper. Mais si le public adhère, tous les chefs n’adorent pas. A commencer par Bruno Doucet.

 

« Tout le monde a le droit de travailler. Mais nous n’avons pas tous les mêmes contraintes. » Bruno Doucet fait partie de ces chefs qui restent sur leur faim quant aux dark kitchen, dont le concept repose sur la préparation de plats en laboratoires, puis leur livraison à domicile. A la tête de la brigade de La Régalade, à Paris, le cuisinier fustige ces restaurants fantômes « qui ne font ni transmission, ni formation des jeunes et pratiquent plus volontiers la friture que le locavore ». Venu des Etats-Unis, le mouvement des dark kitchen s’est amplifié en France avec la crise sanitaire, en particulier durant le premier confinement. Et pour cause : avec la fermeture des bars et restaurants, la livraison de repas a explosé. Selon le dernier bilan sur la restauration hors domicile du NDP Group, la livraison a bondit de 25% sur l’année 2020. Un record. Dans un tel contexte, ces « autres » cuisines, sans tables dressées ni salle pour recevoir les clients, ont vu leur chiffre d’affaires grimper en flèche. Piloté par une société ou directement par une plateforme de livraison, comme Uber Eats ou Deliveroo, le modèle de la dark kitchen séduit aussi bien une enseigne telle que Courtepaille que des chefs étoilés. A l’instar de Laurent Trochain, au Trembaly-sur-Mauldre, dans les Yvelines, qui a ouvert cet hiver une unité baptisée « Pépé le roi du poulet », dans une annexe attenante à sa table gastronomique.

Le saumon gravlax de la Régalade © Harupimedia
Estrella et Philippine à La Régalade © Harupimedia
Le déjeuner d’anniversaire d’Estrella par La Régalade « à emporter » !

« Je suis sur la même longueur d’onde que Tiptoque »

Figure de la bistronomie parisienne, Bruno Doucet n’est pas « anti-livraison ». Au contraire. Et ce d’autant qu’il fait de la vente à emporter depuis novembre 2020. Mais il se dit sensible aux valeurs humaines et éthiques mises en avant par ceux qui portent, transportent, apportent. D’ailleurs il adhère, avec de nombreux chefs – dont Guillaume Gomez -, au collectif « La cuisine, pas l’usine ». Sur son site Instagram, ce mouvement pointe du doigt le concept de dark kitchen qui « n’accueille pas de public, produit plusieurs styles de cuisine dans le même local, recrute essentiellement des employés polyvalents, produit et assemble ses plats en moins de 5 minutes chrono… » A cela s’ajoute un manifeste intitulé « Je refuse… ! Uber Eats – Deliveroo – Just Eat, ces ennemis intimes de la restauration ». Rédigé par le journaliste Emmanuel Rubin, ce texte passe en revue toutes les limites des enseignes citées dans son titre. « Je travaille avec Tiptoque », confie Bruno Doucet. Une plateforme pas complètement comme les autres. Certes, elle assure la livraison de repas, mais ces-derniers sont préparés par des chefs référencés par le Guide Michelin, qui privilégient produits frais, de saison et fournisseurs locaux. Un premier gage de qualité, complété par des packagings pratiques, recyclables, adaptés au four et au micro-onde. « Je suis sur la même longueur d’onde », reprend Bruno Doucet. Et s’il reconnaît que ses débuts avec la vente à emporter ont été difficiles, « aujourd’hui je réalise 35% de mon chiffre d’affaires, quand la moyenne chez les restaurateurs est plutôt de 15% ».

Tiptoque, la plateforme de livraison de repas gastronomiques référencés par le Guide Michelin © Tiptoque
Je refuse, le manifeste dénonçant les Dark Kitchen rédigé par le journaliste Emmanuel Rubin © Alexandros Rallis
Packaging pratiques, recyclables et adaptés au four par Tiptoque © Manon C.

S’il est déçu par une livraison, il zappe vers une autre plateforme en un clic…

Il est difficile de comptabiliser exactement le nombre de dark kitchen en France. Le chiffre de 1 500 circule tout de même. Une approximation pour les uns, une sous-estimation pour d’autres. Quoi qu’il en soit, la crise sanitaire a permis de donner un coup d’accélérateur à la vente à emporter. Celle-ci ne concerne plus seulement les pizzas et les sushis. Toutefois, le consommateur reste en attente de transparence sur ce qu’il commande et mange. S’il est déçu par une livraison, il zappe vers une autre plateforme en un clic. Ce qu’ont bien compris les fondateurs de Tiptoque, mais aussi le groupe Big Mamma. Après le click & collect, au printemps 2020, il a créé Napoli Gang, d’abord sous forme de dark kitchen, puis avec ses propres cuisines, pour être en phase avec son positionnement de produits sourcés, plats 100% faits maison et vins bio. Une formule qui a tout pour séduire le « mangeur » post-covid, en quête de qualité, réactivité, rapidité, sans forcément bouger de son canapé.

Article écrit par Anne Eveillard pour Talent Developer